Année après année, les brochures de convocation aux assemblées générales sont devenues de véritables supports d’information. Précieux pour un public non spécialiste, les actionnaires individuels, ces documents doivent encore progresser en matière de transparence, notamment sur les sujets qui fâchent : les rémunérations et le climat.

Entretien avec Julia de Queiros, Head of Advisory, Research and Transparency, Labrador

– À l’approche d’une nouvelle saison d’assemblées générales, quel bilan dressez-vous des brochures publiées l’an dernier ?

– Les brochures sont aujourd’hui de véritables supports aux assemblées générales.  La quasi-totalité des entreprises (plus de 94 %) publie aujourd’hui une Brochure de convocation (appelée aussi Brochure d’assemblée générale). Elles font ainsi un véritable effort d’une publication spécifique pour leurs actionnaires, en plus de l’avis de convocation obligatoire, publié au Balo. C’est une démarche qu’il faut saluer et qui vient conforter la place de l’assemblée générale dans la vie de la société.
Autre point positif : les entreprises du SBF120 ont communiqué plus tôt les informations concernant l’assemblée (43 jours au lieu de 41 en 2021 entre l’assemblée générale et la publication de l’avis de convocation au Balo) et ont tenu également leur AG 5 jours en moyenne plus tôt qu’en 2021 (133 jours au lieu de 138).

« Un niveau de transparence très moyen »

 

– Côté moins bonne nouvelle, le niveau de transparence de ces documents reste décevant. Comment l’expliquez-vous ?

– Le niveau de transparence observé pour les supports 2022 est en effet très moyen : 29 % (42 % en 2021). Certes la clarté a eu un impact à la baisse sur le niveau moyen de transparence. Mais à périmètre constant, on constate un recul de 5 points par rapport à 2021.
Les informations concernant la gouvernance atteignent aujourd’hui un bon niveau de transparence, avec notamment l’insertion d’informations concernant l’activité et l’évaluation du conseil. On notera aussi la présence dans plus de 50 % des documents d’indicateurs extra-financiers en plus des indicateurs financiers. Mais les rémunérations restent le parent pauvre de ces documents !

« Service minimum sur les rémunérations, LE sujet sensible des prochaines AG »

 

– C’est bien dommage, car les rémunérations vont encore être LE sujet brûlant des prochaines assemblées générales !

– En cette période de tension économique et sociale, la question du partage de la valeur est plus que jamais d’actualité. Il va donc falloir faire des progrès en matière de transparence. L’an dernier, seules 29 % des brochures intégraient le rapport sur les rémunérations ex-post qui incluent le tableau sur les ratios d’équités. L’information la plus « présente » sur ce volet des rémunérations sont les tableaux de rémunérations préconisés par l’Afep-Medef. On les retrouve dans 62 % des brochures. Toutefois, cette partie mériterait plus de pédagogie et une information plus synthétique de la politique de rémunération et de sa mise en œuvre pour véritablement éclairer le lecteur non spécialiste.

– Même déception sur le climat ?

– Oui. Les résolutions climatiques sont de plus en plus nombreuses. Nous l’avons vu en 2022 et cela devrait se poursuivre en 2023, et ce, même en l’absence de législation sur le sujet. Pourtant à peine un tiers des entreprises (29 %) ont consacré une place à la présentation de la stratégie climatique. Le climat risque pourtant d’être un autre sujet qui va animer les prochaines assemblées générales. Là encore, il y a de fortes attentes de la part des actionnaires et plus généralement de l’ensemble des parties prenantes.

Propos recueillis par Beñat Caujolle

 

Nos recommandations :

Penser lecteur : le document s’adresse en majorité à un public moins averti (l’actionnaire individuel).
Travailler l’information de manière synthétique et pédagogique (capitaliser sur le travail effectué pour le DEU dans les « executive summary » gouvernance, rémunérations, RSE, etc.).
Communiquer sur les éléments utiles pour éclairer le vote de l’actionnaire.
Conserver les outils et les délais qui favorisent le dialogue actionnarial.

 

Une bonne pratique par Alain Martel, Expert Labrador en gouvernance d’entreprise :

Conscient que Le Say on Climate suit le même chemin que le Say on Pay. Et sans attendre qu’il devienne à son tour une obligation réglementaire, une bonne pratique serait de faire preuve de transparence sur ce qui est prévu pour la partie variable de la politique de rémunérations des dirigeants dans leurs engagements en matière de transition climatique.

 

Le retour au présentiel pèse sur le dialogue actionnarial

Les critères issus du contexte pandémique pour faciliter le dialogue actionnarial ont presque tous régressé. Le délai limite pour envoyer ses questions écrites est revenu à 4 jours avant l’assemblée générale alors qu’il avait été ramené à 48 heures, voire moins, dans le contexte Covid. Même la possibilité de poser des questions par e-mail a reculé de 84 % en 2021 à 77 % en 2022.