« Climat : entre résolution et débat à l’assemblée générale »

Jeudi 23 mars 2023

Les assemblées générales arrivent. Les entreprises doivent se préparer aux questions sur les rémunérations et le climat. Alors, que peuvent faire les entreprises pour améliorer sur ce point sensible la qualité du dialogue actionnarial ?

Réponse avec Hélène Solignac, experte en gouvernance d’entreprise

 

– Peut-on commencer par rappeler les obligations du conseil en matière d’informations sur la stratégie climatique ? 

– Il y a bien une obligation juridique pour les sociétés qui publient une déclaration de performance extra-financière (DPEF). La première mission du conseil est d’orienter la stratégie et les questions environnementales et climatiques, qui ont un impact direct sur le modèle d’affaires, relèvent de sa compétence.  Le conseil est garant de la mise en œuvre de la stratégie et doit aussi veiller à la qualité de l’information communiquée aux actionnaires et aux marchés.

Il n’y a pas aujourd’hui d’obligation de « Say on Climate », mais pas d’interdiction non plus. Le conseil peut ainsi demander un avis consultatif aux actionnaires. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à le faire, avec 11 résolutions proposées à l’initiative du conseil en 2022 contre 3 en 2021, d’ailleurs largement approuvées.

Le Code AFEP-MEDEF a été modifié en décembre dernier pour souligner le rôle du conseil en matière de RSE et prévoit qu’en matière climatique, la stratégie doit être assortie d’objectifs précis et définis pour différents horizons de temps. Le Code recommande également que la stratégie climatique et les principales actions engagées soient présentées à l’assemblée générale tous les 3 ans.

Nous remarquerons au passage, que le « Say on Pay » consultatif était d’abord une recommandation du Code AFEP-MEDEF, avant de faire son entrée dans la loi. C’est également le cas pour les cessions d’actifs significatives.

– Que peuvent faire les entreprises de cet avis ?

– Cet avis consultatif nourrit le débat actionnarial sur la stratégie et sur sa mise en œuvre et permet de mieux comprendre les attentes des investisseurs. Dans le cadre de l’assemblée générale, deux options. La première : l’inscription d’un point à l’ordre du jour, ce qui implique un débat mais pas de vote. La seconde : la présentation d’une résolution « Say on Climate », à titre consultatif.

– Quelle est la portée de cette résolution consultative ? 

– Bien justement, il manque aujourd’hui des précisions sur la portée juridique de cette résolution consultative. Que se passe-t-il en cas de vote négatif ? de contestation ? Ce n’est pas très clair.

Il manque aussi un référentiel commun sur le contenu et la fréquence des résolutions Say on Climate pour assurer une cohérence et une comparabilité.

– Que se passe-t-il si les actionnaires déposent eux-mêmes une résolution et que le conseil refuse de l’inscrire à l’ordre du jour ? 

A la suite du refus de plusieurs sociétés de dépôt de ces résolutions, le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP), l’AMF et sa Commission Climat et Finance Durable (CCFD) ont émis des propositions pour faire évoluer le cadre législatif et réglementaire. Il s’agit d’accélérer la procédure de recours auprès du Tribunal de Commerce, voire d’autoriser la saisine du Tribunal par les actionnaires et non par la société elle-même.

Propos recueillis par Beñat Caujolle

 

Nos recommandations (retrouvez notre « Check-list URD 2022 »)

Transparence sur la présentation de la stratégie climatique, l’impact sur le modèle d’affaires, pour démontrer la consistance et la cohérence des engagements pris, préciser les trajectoires chiffrées et les horizons de temps, les moyens mis en œuvre…en prévision de l’entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) en 2025 qui définira les nouveaux standards de reporting extra-financier en Europe.

Illustrer le rôle du conseil :Le conseil doit rendre compte de son action en la matière dans le chapitre Gouvernement d’Entreprise du Document d’enregistrement universel (DEU), en décrivant précisément ses travaux et ceux des comités spécialisés : RSE, mais aussi le comité d’audit pour l’analyse des risques, le comité des nominations pour le renforcement des compétences du conseil, le comité des rémunérations pour le lien entre la rémunération et la performance extra-financière. Ces informations ont toute leur place dans la brochure de convocation. Et bien sûr, le conseil doit jouer son rôle dans le dialogue actionnarial, dans le cadre de l’assemblée générale, mais aussi, comme le préconise l’AMF, en amont et en aval de celle-ci.